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La banalité du mal ou quand le narcissisme envahit la société

Dans un monde de plus en plus compétitif poussant les gens à se centrer sur eux-mêmes, les pratiques narcissiques ont de moins en moins de limites et semblent gagner de l’ampleur dans notre société. On ne devient pas narcissique du jour au lendemain, pour autant, il faut avoir le « terrain psychique ». Mais pour ceux qui avaient déjà ce profil sous-jacent, la société peut renforcer les traits et accentuer une personnalité fragile à tendance déjà narcissique. Le culte de la performance et du rendement étant devenus maitres mots, les pratiques individualistes ne sont plus remises en question mais au contraire encouragées. « Diviser pour mieux régner » ou « que le meilleur gagne » semblent devenus les nouveaux credo d’un monde qui change et se divise. Heureusement, en ces temps de catastrophes écologiques, des personnes de plus en plus nombreuses tournent le dos aux pratiques auto-centrées pour aller vers le partage, le collaboratif et l’entraide. D’un autre côté, dans le monde du travail principalement, la régression est activée. La vie est devenue une jungle où il faut se méfier, se protéger et marcher sur les autres pour s’en sortir « vivant ». C’est peut-être tout le système d’entreprise, comme celui de l’écologie et de l’éducation, qu’il faut changer. Les plus hauts postes ne sont plus destinés aux plus sages, mais à ceux qui seront « prêts à tout », quitte à délaisser les valeurs humaines ou familiales. Par exemple, faire du surprésenteisme est encore « à la mode » en France, alors que d’autres pays (nordiques notamment) ont compris depuis longtemps l’importance du bien-être personnel pour un épanouissement au travail. Et donc où partir tôt de son travail démontrerait davantage une bonne capacité de concentration, de synthèse et d’efficacité, plutôt qu’un manque d’investissement.

Pourquoi constatons-nous une hausse du phénomène et des pratiques narcissiques ? Comme tout est toujours pluri-factoriel, plusieurs réponses à cela. La première réponse pourrait être que ces principes sont encouragés. Une autre réponse également est qu’on laisse faire. Les gens ont besoin de rêver et sont de plus en plus attirés par ce qui brille, et les narcissiques sont les meilleurs pour cela. Ils ne travaillent pas la qualité mais la quantité, ils ne travaillent pas sur les moyens mais sur les fins. Aucune importance qu’une relation ou un produit ne dure pas dans le temps, l’objectif étant la rentabilité du moment. Car les narcissiques sont dans l’instant et clivent tout le reste. Ils visent l’apparence, le contenu, non le contenant. Et pour obtenir ce qu’ils souhaitent, toutes les techniques de manipulations seront bonnes à utiliser. Peu importe l’effet sur du long terme, le plus important est de gagner sur le moment. Tout cela, on le sait, est vide de sens. Car c’est ce qu’il faut comprendre des personnalités narcissiques, ils sont caractérisés par un manque (une absence) de conscience de l’autre, comme des enfants capricieux qui n’auraient pas grandis, seuls eux-mêmes comptent. Ce manque de conscience de l’autre (donc du monde) dénote un vide intérieur. Ce vide n’est pas apparent, il est caché par une enveloppe crée (masque) et entretenue pour plaire, pour séduire et arriver à ses fins. Peu importe le prix, peu importe si on est à la hauteur ou si on pourra honorer le poste ou la tâche. Ce qui compte c’est gagner par-dessus tout, obtenir un trophée supplémentaire, jusqu’au prochain. Bien présenter, vendre du rêve, être un beau-parleur… la société est facilement séduite par cette apparence lisse et brillante, comme les fruits qu’on nous vend aujourd’hui sans vitamines. La narcissisation de la société est en marche, mais ce n’est pas une fatalité si on réapprend à s’interroger sur nos valeurs humaine et profondes, afin de ne pas laisser échapper l’essentiel.

Alors le narcissisme est-il un phénomène toxique ou un moyen de réussir dans cette société ? Définitivement un phénomène toxique. Il n’y a pas d’avantages, aucun, à aller vers une narcissisation de l’individu ou de la société. Le narcissisme c’est le culte de l’égo dans un monde qui n’a jamais eu autant besoin de se tenir la main. C’est la destruction massive d’humains (en général emphatiques et bienveillants) ou de ressources pour gagner quelques secondes de plus de notoriété. Le narcissisme c’est le vide, ce ne sera jamais une solution pour aller de l’avant, c’est un mirage, une enveloppe vide. Ce ne sera jamais une solution, ni sur du court, ni sur du long terme, pour progresser dans la société. Financièrement oui ou pour le monde commercial, pour produire plus (de choses sans goûts), créer plus (au dépend des autres ou de notre terre nourricière) ou gagner plus. Gagner quoi au fait, de l’argent ? Est-ce vraiment le pouvoir comme on essaie de nous le faire croire ? Quel est l’intérêt de régner dans un monde qui s’auto-détruit ? Car c’est bien ce qu’est le narcissisme, un mal. A ne pas confondre avec le narcissisme sain, qui est bénéfique. Le narcissisme pathologique ou la perversion narcissique est une maladie dangereuse car elle ne prend pas en compte : l’autre. Comment est-ce possible dans une société où on vit ensemble ? Et pourtant, le narcisse détruit, de manière progressive, insidieuse et invisible (d’où la difficulté des gens à le signaler et à être crus). L’autre est un obstacle à abattre ou à dépasser, pas un autre à respecter. Ce n’est pas un sujet à prendre à la légère, ni un thème qui doit être à la mode. Le narcissisme sépare des familles, détruit des entreprise et brise des organismes. C’est une lueur qui s’assombrit rapidement (après la période de séduction, appelée « lune de miel »). Parfois, si c’est trop beau pour être vrai : c’est que c’est trop beau pour être vrai ! Ne nous attardons plus aux apparences alléchantes, aux contenants, mais plutôt aux contenus des choses. Prenons le temps de découvrir, de faire connaissance. Le culte de la performance et de la rapidité (« société zapping ») n’amène que du superficiel et des résultats qui s’évanouiront aussi vite s’ils ont été créés. Encourageons les valeurs que nous voulons pour nos enfants de demain, ne soyons plus aveuglés par ce qui brille (un beau discours charismatique, une belle apparence…) de la poudre aux yeux en quelque sorte. Alors pourquoi les narcissiques tirent-ils avantages de leur comportement ? La réponse est simple, parce qu’on les laisse faire. Pourquoi ? Parce qu’on aime qu’on nous vende du rêve, on aime les choses de plus en plus faciles, rapides et qui brillent… Pourtant « tout ce qui brille n’est pas d’or », comme dit le proverbe. Nous entretenons cette culture de l’apparence et cette narcissisation de la société. Nous avons notre part de responsabilité (et non de culpabilité) dans ce monde qui évolue, nous sommes ce monde. L’auto-centration, l’individualisme et la haine du prochain ne nous amènerons nulle part. S’informer, échanger, parler, permet de confronter les points de vue différents et nouveaux, afin d’évoluer et de développer nos esprits critiques. Ne nous laissons pas avoir par le beau apparent, souhaitons plus pour notre qualité de vie, et notre avenir.

Des études récentes ont montré un fait, les narcissiques seraient plus heureux ? Ne nous y trompons pas, les narcissiques ne sont pas heureux, c’est une fausse croyance. Les narcissiques sont haineux, craintifs, anxieux, ils se comparent en permanence, ont une faible estime d’eux-mêmes, pensent être rejetés tout le temps, sont paranoïaques, possessifs et jaloux. Mais il est vrai que leur « couche » de narcissisme (ce qu’on appelle « le masque », leur faux-self), leur vernis de protection contre le monde en quelque sorte (dû à des traumas antérieurs), leur permet quelque part d’être d’être imperméables au jugement des autres (mais aussi de ne pas le prendre en compte en retour). C’est pour cela qu’ils s’en sortent bien, voire même qu’ils s’en sortent toujours. On ne peut pas dire qu’ils sont heureux, mais leur apathie et leur absence de compassion leur permettent de passer devant tout le monde, de prendre les autres de haut voire de détruire des situations (et des personnes) sans même s’en rendre compte. Car ils ne connaissent ni la honte, ni la culpabilité. C’est pour cela qu’ils sont dangereux. Imaginez un monde où autrui ne serait plus jamais pris en compte ? Il s’auto-détruirait tout simplement. Ce n’est pas le cas, car peu de personnes sont touchées par le narcissisme pathologique. Mais qu’en est-il quand un « narcisse » est au pouvoir ? (Les narcisses, ils ont pris le pouvoir de M-F Hirigoyen, 2019) Les narcissiques sont des êtres hyper-vigilants (comme des sentinelles) se croyant dans une jungle impitoyable où il faut survivre. C’est Donald Trump qui disait à une journaliste lorsqu’il était jeune, qu’il avait compris très tôt dans la vie « qu’il fallait être soit un lion, soit une antilope ». Le champ lexical des pervers narcissiques en thérapie est d’ailleurs très archaïque. Ils parlent beaucoup de jungle, de survie, mais ont également un large champs lexical de la guerre et du combat. Car, c’est comme cela qu’ils interprètent le monde : la survie. La vie les a très tôt confronté à des poly-traumas qui leur ont fait en quelque sorte quitter/tuer leur « enfant intérieur » pour survivre dans ce monde impitoyable, égoïste et toxique (rappel à leur environnement infantile). C’est pour cela qu’ils sont méprisants, méfiants et intouchables. Ils se protègent grâce à leur « armure  » narcissique, en attaquant, avant d’être attaqués. Afin de ne pas répéter les erreurs du passé, lorsqu’ils étaient tout petits. Il est nécessaire (et temps) de multiplier les prises en charge thérapeutiques pour les personnes ayant des troubles narcissiques légers, modérés ou sévères. Ce ne doit pas être un sujet à la mode, mais un sujet sérieux. La responsabilité de la société réside dans le fait de se remettre en question et de changer face à ces profils si brillants et pourtant si toxiques.

Les routines d’agressions et de violences contre son prochain sont devenus malheureusement une routine. Clivant la société en deux, avec d’une part, les humanistes qui font résistance et de l’autres côté, les gens hypnotisées par l’emprise d’une tyrannie enchanteresse des plus forts (dans notre société actuelle, cela voulant dire richesse et pouvoir). Les autres sont les narcissiques assoiffés de pouvoir dans leur vampirisme grandissant. Ils nous regardent de haut et ne participent pas à ce qu’ils se passe, ils en profitent. Mais rappelons-nous que « qui est manipulé, est manipulable ». Notre responsabilité réside dans le fait de résister au pouvoir séduisant et hypnotique du mal. Notre force réside dans nos croyances, nos valeurs, nos convictions morales et notre souhait de redevenir libres à nouveau. Car la perversion est une prison dorée, un mirage, une illusion de sécurité dans un chaos sans issus. Comment s’en sortir ? La cure du mal réside dans la cure de ces personnalités narcissiques toxiques. Ces gens ne sont pas des monstres, ce sont nos voisins, nos parents, nos amis, nos collègues, ce sont des hommes. Le mal est humain, il n’est pas animal. Reprenons notre liberté, regagnons notre humanisme, sortons de la productivité, de la rivalité et de lois archaïques, nous sommes plus évolués que cela.

Ecrit par Alexandra Lecart (2019)

* La « banalité du mal » est un concept philosophique développé par Hannah Arendt en 1963, dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal.


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